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"… Devant la berge : des arbres
évidemment ; j'en choisis un du regard, alors que sur l'autre rive un battement
sinistre me fait tourner la tête : quelque chose s'est élancé dans l'eau ;
reptile ou félin, anaconda ou caïman, je ne sais trop. Je jure avoir planté
mes doigts dans l'écorce de l'arbre. Je certifie que j'aurais anéanti
n'importe qui pour sauver ma peau, pour continuer à vivre grâce à une force
jusque là inconnue et insoupçonnée qui m'étreignit. Je ne sais qui elle est,
ni d'où elle vient ! mais elle existe bien, et le reste m'indiffère. Moment
réellement étrange et fantastique. L'instinct de conservation va de paire
avec une nouvelle vitalité, une puissance inhabituelle cachée quelque part en
nous, j'en suis persuadé. Je crie au collègue de faire comme moi, grimper. La
mort rôde ; elle semble proche, très proche. Est-ce Dieu, le diable ou une faculté
quelconque ou obscure qui m'aide ainsi à escalader ce tronc dont la première
branche s'offre à une hauteur de quatre mètres environ ? J'ai l'impression
que quelqu'un m'aspire et m'attire, malgré l'état paralysant de ma gorge
bloquée, étouffée, asséchée… Est-ce la survie, la peur intense de la mort,
l'ultime rempart de la préservation ? Et à quel degré d'intensité ? Pour
quelle échelle de valeur ? Je pense avoir hurlé : "Grimpe Paul
! fais donc comme moi, grimpe !" J'atteins la première branche en quelques
secondes. Je me soulève rageusement puis je m'assois dessus. L'action se
déroule rapidement : il grimpe sur mon sac, me fait passer le sien, puis ma
mallette, s'accroche à la corde, saisit l'ultime sangle et me rejoint enfin
sur l'inconfortable poste d'observation. Nous allons demeurer treize heures sur
cet arbre, au cœur de la jungle Amazonienne…" |
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