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Le Brésil hors des sentiers
battus Je grimpe sur une de ces fameuses caiolas
à la recherche des derniers Indiens aux confins amazoniens. Les caiolas sont
les bateaux traditionnels en bois à deux étages, qui
transportent passagers et marchandises jusque dans les coins les plus reculés
du pays. On y embarque pour de longues journées et d'interminables nuits, dans
des parcs flottants, vibrant de
mouches et de moustiques, vautrés dans des hamacs pouilleux, baignés de
sueur, transpercés de poux et de punaises ; on part pour des voyages qui n'en
finissent plus. Les journées
sont réduites au néant ; le moindre rot devient un événement ; le sommeil est
sommaire et craintif ; les heures paraissent plus longues qu'à terre ; on
surveille le voisin sans le voir, on épie la métisse où l'Indienne aux seins
nus et cuivrés, on souhaite qu'elle vienne vous rejoindre dans votre hamac
car ses yeux ont croisé les vôtres, mais son vieux grigou de mâle lui arrache
presque ses cheveux bleutés… Alors le
rêve est passé ; avec lui, la soif et le désir ; on retrouve la chaleur
moite, la soupe de poisson rance et la
réalité parfois sordide de l'aventure. Dans le
nord, il ne reste guère que 400.000 indigènes pour trois millions de
chercheurs d'or et de fermiers rapaces. Les Indiens n'ont plus aucune chance
devant l'absence de droits, de justice et bientôt de vie… Non loin de
la frontière, il reste une quinzaine de campements Yanomamis. Un semblant
de paix demeure entre l'armée et ces Indiens primaires. Les
missionnaires ont apporté leur cortège immonde de soutien-gorge et de petites
culottes avec la croix du Christ accrochée dessus, tandis que les militaires
offraient les tee-shirt, les cigarettes et le football… L'Indien
disparaît dans l'indifférence générale. Il joue au foot entre deux arbres aux
essences rares. Les
Brésiliens pensent que les amérindiens ne sont que des jouets
psychédéliques pour les pays riches,
une évasion puérile pour les intellectuels en besoin d'idées, un nouveau look pour les rockers type Sting
en mal de clips… En sus, ce
sont des êtres inférieurs, sales, bêtes et inutiles qui entravent
l'évolution du pays. Alors : qu'ils
disparaissent vite ! Le football, la course automobile, le carnaval et les
nanas aux seins refaits sont bien plus importants… Pour le
moment, les Yanomamis ne
connaissent que le tabac… mais dès que les militaires leur apporteront la boisson
: la culture de la race disparaîtra complètement. Car intégrer l'Indien,
c'est finalement l'empêcher de faire obstacle au progrès, c'est peu à peu
l'habiller d'un short et de haillons, et
l'autoriser à vendre des javelots aux touristes. Jusque là,
les Indiens fléchaient de temps à autre les blancs isolés qui s'aventuraient
sur leur territoire de chasse ; en représailles, les blancs rasaient un
village après avoir violé femmes et
enfants… Aujourd'hui, l'armée
contrôle, arbitre et
tranche de façon sommaire les
"différends" qui subsistent inéluctablement entre les Yanomamis et les garimpeiros. 17 heures :
c'est le moment où il pleut, quasiment tous les jours. Le village
s'emplit de boue. Le typique shabono, maison communautaire et
forteresse du village a disparu… Dans les
cases minables aux planches de bois infestées d'insectes gluants, les visages
ont perdu fierté et esprit guerrier. Car les
Yanomamis sont avant tout un peuple belliqueux, agressif, voire cruel. Ils me
paraissent ici parqués et dociles comme des agneaux… Plus de
combats au gourdin ou à la hache, même pour "s'amuser" ; plus "d'ebène", drogue
hallucinogène soufflée à pleins poumons dans les narines de son compagnon à l'aide d'un bambou ; ils
commencent à perdre leur analogie. J'ai jadis
rencontré une Canadienne qui était partie délibérément chez ces Indiens avec
sa petite fille de six ans… Le seul inconvénient résida dans le fait qu'elle
ne s'était nullement préparée pour ce type de voyage, sans même l'essentiel :
un guide Indien ! Son
inconscience fit qu'elle bascula dans la démence avec, pour tout retour à la
civilisation, un enfermement psychiatrique. Courage
certes douteux à l'origine, mais accompagné d'une incroyable déraison... Quand à sa fille,
qu'est-elle devenue ? Jacinto a disparu à
l'orée des bidonvilles de Boa Vista.
Il m'a juste fait un signe de semi amitié. Je quitte Jão après une franche poignée de
mains… Je penserai
à son ultime regard, tout au long des 700 bornes plus ou moins bien
asphaltées qui me séparent de Manaus. Putain de Brasil, comme tu es prenant, triste,
amer, attirant et fou ! En 2007 : 148 indigènes
"comptés" ont été assassinés par les chercheurs d'or et les patrons
de grands domaines, dans l'indifférence
générale…
Extrait
de "Cap sur le
Brésil " De
Pierre Landais La collection Enfants (Pour lecteurs jusqu’à 14
ans)
La collection : Junior Aventures (Pour tous lecteurs à
partir de 15 ans… et adultes ! ) Cap sur le Pérou ~ Cap sur Cap sur l’Equateur ~ Cap sur le Brésil ~ Cap sur l’Indonésie Cap sur Cap sur le Guatemala ~ Cap sur le Paraguay Cap sur le Mexique Série : Un aventurier en Amérique
latine
et en Asie |
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Pérou Guyane Thaïlande |
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Equateur Brésil
Bolivie Philippines Guatemala
Paraguay Mexique La découverte de ces pays
hors des sentiers battus… Aventures vécues |
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Dans la collection Junior / Senior
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